Voila le premier article qui plonge dans le quotidien de l’orphelinat. Ce n’est vraiment pas Rose, ca fait tourner les méninges, ca fait verser des larmes, ca fait réfléchir sur beaucoup de choses, ca rend fou même des fois,…
On croise des histoires de filles ou d’enfants qui sortent de l’orphelinat en retrouvant leur famille, ouvrant un business, ou autres en ayant le sourire. Parfois très vite après leur arrivée, parfois une dizaine d’années après. A ces instants, on assiste à un évènement dont on est fier !
Pour Bobitha, c’est différent.
Bobitha est arrivée fin Novembre, cela faisait bientôt un mois que j’étais dans l’orphelinat. Je commençais à découvrir le passé de certaines filles à travers de longues discussions avec Parashu (un des directeurs de l’orphelinat et le « Appa » de ma famille d’accueil indienne). J’ai donc tout de suite connu le passé de Bobitha.
Bobitha a 19 ans. Elle a perdu ses parents très jeune mais a été récupérée par sa tante (je crois) qui lui a offert une bonne éducation. Elle allait même à l’université. Tout allait « bien » pour cette jeune femme jusqu’au jour où l’un des directeurs de l’Université l’a violée. Bien sûr, cela s’est su. Et finalement en Inde, la pire des choses arrive après le viol. C’est le regard des autres, les commérages, les gestes,… Ici, on fait partie d’une communauté, d’une caste, d’une religion, d’un des deux sexes, d’un village, d’une famille : on est seul(e), on n’est rien. Quand une femme a eu une relation sexuelle avant le mariage (qu’elle soit consentante ou non), elle est comme déshonorée. Je ne veux pas dire de bêtises mais je pense que le monde autour la considère comme impure, plus bonne à rien.
L’orphelinat offre a ses jeunes l’opportunité de les protéger de ce monde qui les réduit à de la poussière. L’orphelinat les sauve de la société indienne. C’est comme une minie bulle, un nid de répit,… Oui mais après. Il faut bien penser à l’après. Bobitha pouvait décider de continuer ses études pour obtenir un diplôme et essayer de trouver un Job. Elle pouvait choisir un de ces hommes qui veulent se marier à une des filles de l’orphelinat. Ou peut être marcher vers l’indépendance comme certaines femmes de l’Inde moderne qui décident de ne pas suivre la tradition à la lettre et de ne pas finir à la cuisine. Rejoindre sa famille est très délicat dans son cas : très souvent, on ne veut plus entendre parler de cette fille. Autrement la tache noire du regard du monde se répand sur toute la famille.
Il y a aussi une autre possibilité. Se marier à son violeur. C’est la voie qu’a choisi Bobitha. Je ne connais pas les raisons profondes et je pense que même si je les connaissais, je serai incapable de les comprendre. Je pense que c’est la tradition indienne avec ce qu’elle inflige aux femmes d’aujourd’hui qui a décidé pour elle. Bobitha ne pouvait pas vivre avec ce poids. Le seul moyen de se libérer était de récupérer une image propre. Stanly et Parashu luttent sans cesse contre les revers de la société mais parfois, les filles ne suivent pas. Ils ne peuvent pas les en empêcher, ils essaient de les convaincre mais parfois, il n’y a rien à faire…
Alors viens le jour du mariage. Nous sommes le 21 décembre et ce matin, elle se fait coiffée par Mahalakshmi. Elle pleure mais cache ses larmes. Roni lui prête son Sari et c’est Jancy qui la prépare. On la pare de tous les bijoux que l’on peut. Elle est prête mais comme vous pouvez vous en douter, ce n’est pas sur un ton de fête. C’est même un matin comme les autres, très calme. Il est temps d’y aller. Signer. Ouvrir une nouvelle page.
Cette histoire me met très mal à l’aise. En fait, elle me révolte. Elle reflète le fait que parfois, même les victimes ne sont pas prêtes à lutter, même accompagnées. Elles n’ont plus la force, on les a pompées.
C’est Parashu qui m’a dit qu’il fallait en parler. J’aurais plutôt tendance à cacher ce genre d’histoires et de vous faire partager les plus belles fins. Mais il a raison. Cela existe, c’est même fréquent et il faut que le monde soit au courant. Alors voilà…
Cet article peut laisser perplexe je pense. Je ne connais certainement pas tous les rebondissements qu’il y a eu, je ne connais pas les détails. Mais je pense que cela suffit pour s’interroger sur les solutions qui s’offrent à nous pour LUTTER.
Tu sais le viol est toujours quelque chose que l'on vit de manière honteuse. Tu as beau entendre par la terre entière que tu n'es pas coupable lorsque tu as vécu ça tu te sens toujours coupable et honteux. Vivre dans un monde qui te fait ressentir ça doit être encore plus horrible. Dèjà quand tu vis en france qui le condamne tu ne peux pas toujours être assez fort pour faire payer ton agresseur. Parler de ce genre de relation qui est tout sauf flatteur n'est pas facile. Même si c'est pour obtenir justice livrer ce genre d'intimité n'est pas simple.
RépondreSupprimerEn Inde on te donne même pas la chance de t'exprimer. Et quand on te le donne dans le cas de Para et Stanley il n'est pas facile de la saisir car comme tu l'as très bien dit ça c'est su et il n'y a rien de pire que de devoir supporter le regard des autres et il est même souvent plus difficile de supporter un regard qui vous dit: je te comprends ce que tu as vécu est horrible.
Ce que tu fais avec ces filles est magnifique mais tu ne dois pas être révoltée contre la réaction de cette jeune fille. Il faut un courage fou pour accepter ce qui nous est arrivé et on ne peut blamer personne de ne pas avoir se courage et souvent il faut admirer les gens qui vivent avec ce poids sur le coeur et qui passeront le reste de leur vie à faire semblant.
Merci pour ce comnmentaire, mais j'ai du mal m'expriner!
RépondreSupprimerJe ne blame en aucun cas Bobitha. Mais je suis revoltee par tout ce qui l'entoure qui l'a pousse a prendre cette decision. Toute cette agressivite, partout en Inde.
Oui, ce qui me revolte, c'est que la tres grande majorite des femmes en Inde font semblant. Ou plutot, elles recherchent satisfaction dans ce que l'on veut bien leur donner. C'est une force incroyable, c'est certain. Mais c'est aussi tellement triste.
Il faut que vous sachiez que tout le monde ici respecte la decision de Bobitha, et c'est bien pour cela qu'elle est partie. Elle est libre de choisir son futur...
Ode
je pense qu'on a pas le droit de juger les indiens parce qu'on a pas grandis avec cette culture.elle a fait ce choix et c'est facile de dire que ça nous revolte,mais toi tu vas rentrer en france pour pouvoir faire ce que tu veux et etre libre alors qu'elle reste la bas.
RépondreSupprimeril faut arreter de donner son avis sur tout en pensant que c'est forcement le bon!
Merci Aude pour ce témoignage et merci pour ta révolte de Femme. Dénoncer, ne pas cautionner et réagir comme tu le fais tout en respectant le choix de cette femme peut contribuer à faire évoluer les mentalités. Même si ce n'est que d'un "micropouillème", ce sera toujours ça. Violer est un crime et rester passif, rester neutre...c'est confortable, c'est facile lorsque l'on est en France, derrière son PC, et que l'on a pas plongé soi-même son regard dans celui de Bobitha quand elle est partie vers son destin.
RépondreSupprimerJe me permets de réagir au commentaire de notre Anonyme du 10 février 10h58.
RépondreSupprimerTu dis, je te cite: "il faut arreter de donner son avis sur tout en pensant que c'est forcement le bon!" alors que toi même commence ton post par un sonnant et trébuchant "je pense". Un peu de cohérence, n'est ce pas le minimum quand on adresse une critique sans même signer?
Alors voici mon commentaire, relis correctement ce post, qui ne condamne en rien la décision de Bobitha, mais qui exprime la révolte de Aude face à cette cruelle destinée... que Bobitha "choisit" et il semble important de mettre des guillemets.
Alors, merci pour ce commentaire Anonyme du 10 février 10h58, merci pour sa constructivité, merci pour sa pertinence, et merci pour ta visite qui fait sans aucun doute avancer le monde, avancer la condition des femmes en Inde.
Emilie
and FACE ! bien dit Emilie.
RépondreSupprimerJ’ajouterai que sur son blog, Oudou peut raconter toutes ses émotions, toutes ses pensées, quelles qu'elles soient.
Cette remarque 'toi tu va rentrer en France' était inappropriée. Oui, Oudou est née en France, et ce n’est pas une raison pour avoir honte de la chance qu'on a. Il faut simplement être capable de la mesurée. On aidera personne à refuser ce que la vie nous offre sous prétexte que d'autres n'y ont pas accès, mais on sera plus utile à essayer de partager avec les plus démunis.
Le droit d’expression individuel, le débat, le partage c’est bien.
Mieux que les attaques injustifiées.
Je signe très distinctement,
Maéva (c’est moi la « meilleure amie »)
Ps ; mais quel titre Oudou ! Je me sens plus depuis que tu as écris ça dans tes articles !